Je dois vous raconter une
histoire de chasse. Cette année, vu que j’avais le temps, j’ai décidé
de prendre la dernière semaine
de chasse à l’arbalète dans le but d’aller prospecter et
de provoquer les choses en vue
de la
chasse à la carabine. Mes espoirs étaient bien minces
de récolter un orignal étant donné les dates précoces et la faible densité d’orignaux sur le territoire. Mais j’y suis allé tout
de même parce que j’avais besoin
de me retrouver dans la nature et
de me préparer mentalement et physiquement à mes semaines
de guidage et
de chasse qui approchaient. La première journée était réservée surtout à la prospection. J’ai recueillis les photos
de nos trois appareils photos et j’ai examiné les traces sur tout le territoire. Les minces espoirs que j’avais étaient bien fondées. Aucune nouvelle photo depuis le 3 septembre nous étions rendus au 13 du même mois. Les traces? Aucune trace fraîche et j’estimais que la plus fraîche datait d’au moins une semaine.
Bon, ma tactique maintenant consistait à arpenter le territoire rapidement en produisant quelques séances d’appels en me déplaçant. Je m’arrêtais
de temps en temps sans trop m’attarder et j’exécutais des appels un peu plus prolongées aux extrémités du territoire sans dépasser les 20 à 30 minutes
de pauses. J’alternais ainsi les différents secteurs stratégiques en essayant d’espacer
de deux jours les visites à ceux-ci. Je faisais une prospection rapide à tous les jours et si je ne voyais pas d’indice frais, les jours
de pluie ou
de chaleur, je restais au camp et je me reposais.
Après 4 jours
de chasse et d’alternance entre température idéale le matin,
de pluie en après-midi,
de chaleur et
de vent qui ne voulait pas tomber, rien n’avait bougé. Pas une trace fraîche. Je me suis dit que ça ne regardait pas bien pour la
chasse à la carabine et j’essayais tant bien que mal
de trouver la raison pour laquelle il n’y avait plus d’orignaux qui fréquentaient le territoire. Fréquentation trop élevée
de notre part? Le site avait été visité par au moins un membre
de la famille à toutes les fins
de semaine depuis trois semaines. La prédation? Les ours et les loups ne manquaient pas
de me rappeler leur présence en marchant dans mes traces
de pas. Le manque
de nourriture? Les indices
de broutages frais étaient quasi absents.
Bon, avec le temps, et connaissant bien le territoire, je ne m’attendais pas vraiment à autre chose. C’est un territoire imprévisible et difficile à cerner quand on
chasse l’orignal. Ils sont comme des fantômes et nous laissent perplexes la plupart du temps. Malgré le fait que les indices n’étaient pas encourageants, j’étais quand même bien dans le bois et j’en profitais pour relaxer tout en continuant ma routine jusqu’au samedi où le vent tomba et qu’une gelée recouvrait le canot dans lequel je devais m’embarquer pour rejoindre un des secteurs stratégiques que je visitais. En arrivant, pas un indice d’orignal, aucune trace fraîche. Tout était resté immobile. Pas
de visite d’un quelconque cervidé. Mais j’ai continué ma routine. Je relaxais tellement que je n’avais même pas emmené mon cornet, ni ma corne, et encore ben moins ma caméra vidéo. Je n’avais seulement que mon encombrante (trop encombrante) arbalète à traîner et mon petit sac
de taille avec lequel je transporte quelque objet
de survie,
de l’eau et un peu
de nourriture.
Je décide donc d’aller plus loin dans le marais pour voir s’il n’y aurait pas des traces. En cours
de route, à mi-chemin, je lâche un petit call
de femelle en chaleur avec mes mains. Une réponse se fait immédiatement entendre. Ouh! Quoi??? J’écoute encore… Ouh! Ah ben je viens d’accrocher un orignal. Je relâche un autre call
de femelle. Ouh!... Ouh!.... Ouh!... et il se rapproche. Je bande mon arc et vérifie la direction du vent avec un vaporisateur. Tout est beau, j’ai le vent pour moi. Le buck qui arrivait était probablement le jeune
de 1 an et demi qui était resté aux salines toute l’été durant. J’ai pensé que c’était le petit car c’était un call
de moumoune. Un petit Ouh qui faisait penser à un appel
de hibou.
Donc, je continue
de faire mes vocalises aussitôt qu’il arrête d’appeler. Mais, à un moment donné, monsieur décide qu’il arrête et qu’il ne répond plus. Tabar$!%$%?! Tu ne vas pas me faire ça toé là? Et je sacrais caché en arrière d’un petit groupe d’épinettes. Après une trentaine
de secondes, j’ai tenté
de le provoquer. J’ai fait semblant
de partir en faisant la femelle. Au bout d’une centaine
de pieds, je lâche deux appels
de petit buck. Ça fait ni une, ni deux, la réponse se fait instantanée. Ce que je croyais être un cornio, se remet à produire des appels mais
de façon beaucoup plus caverneuse et provocante. Après ce petit subterfuge, le buck était bien accroché et je n’eus plus besoin
de l’appeler. Je finis par l’entendre passer à travers le bois sale et à casser des branches sur son passage. Au moment où j’ai entendu son panache frotter sur les arbres, c’est là que je me suis dit : « Ce buck n’est pas si petit que ça en fin
de compte! » Finalement, le cœur me débattant à me sortir
de la poitrine, je finis par le voir apparaître au travers des arbres. Son panache a été la première chose que j’ai vue.
Quel spectacle! Le gros mâle se déplaçait lentement mais sûrement au travers des arbres et c’était vraiment magique
de le voir arriver. J’ai encore l’impression d’avoir rêvé! Il finit par s’arrêter complètement à découvert à une distance
de 100 à 120 pieds. Le soleil commençait à se coucher en arrière des arbres derrière moi, ce qui donnait un marais à moitié ensoleillé et à moitié dans l’ombre. J’étais dans la partie ombragé quand il est apparu en plein soleil! Quelle bête magnifique! Le soleil plombait directement sur lui et il semblait briller! Son nom
de roi
de la forêt le décrivait à la perfection. Mais bon, il fallait que je me remettre
de mes émotions! J’étais quand même à la
chasse et non au zoo!
Rendu à découvert, l’orignal me cherchait, j’étais sûr qu’il m’aurait localisé avec précision mais ce n’était pas le cas. Il était un peu
de biais par rapport à moi et j’étais pratiquement sûr
de toucher les côtes dans cette position. Rajoutez la distance que je croyais un petit trop élevée et j’ai choisis
de ne pas tirer. Dans cette position, tenter un tir aurait blessé sérieusement l’animal qui se serait enfui dans les bois et je l’aurais perdu assurément. Je m’en serais voulu beaucoup plus que
de ne pas avoir essayé un tir.
Le temps que je pense à me mettre en meilleur position, je sentais que j’étais en train
de le perdre. Effectivement, il commençait à tourner la tête et à regarder vers la forêt. C’est comme si il s’était rendu compte qu’il s’était exposé dangereusement et qu’il sentait la soupe chaude. Avant que je n’aie pu tenter quoi que ce soit, (il s’est passé environ 15 secondes du moment où il s’est arrêté à découvert) il avait déjà tourné les talons et prit la poudre d’escampette. J’ai eu beau l’appeler rien à y faire, il était disparu pour
de bon.
Je me suis longtemps demandé si j’avais été mieux
de tenter un tir, mais avec un peu
de réflexion je me dis que j’aurais été rongé par le remord que d’avoir tiré et
de l’avoir blessé inutilement. Si je l’avais blessé mortellement, il serait mort des kilomètres plus loin en pleine forêt sale. Au lieu
de ça, cette magnifique bête est encore dans les parages et il sera encore plus bourré
de testostérones pour la
chasse à la carabine. Et
de plus, j’ai réussis à sortir un buck mature dont j’évalue l’âge autour
de 5 ans et le panache à 45 pouces et ce, un 17 septembre et dans un territoire à faible densité d’orignaux. C’était au-delà
de mes espérances que
de faire venir un mâle mature en période
de pré-rut et dans un territoire où les indices n’indiquaient rien d’encourageant. Je vis maintenant avec l’image d’un orignal à faire l’envie et qui vit toujours en attendant la
chasse à la carabine. Je vous le dit, c’était digne des meilleures séquences
de film
de Michel Breton!